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Image d'illustration: dans un cabinet médical à Oensingen, en janvier 2021. — © PETER KLAUNZER / KEYSTONE

Biodiversité médicale: où sont passés les médecins de premier recours?

OPINION. Il y a trop de spécialistes et pas assez de généralistes, or la hausse de l’offre médicale génère celle de la demande; voilà comment les coûts de la santé explosent, constate Jan Overbeck, médecin interniste et candidat PLR au Conseil national

Les politiciens et les assureurs recommandent de consulter un médecin de famille en cas de problème médical. Cependant, de nombreux patients rencontrent des difficultés majeures pour trouver un médecin de premier recours, ce qui les pousse à se rendre directement aux urgences de l’hôpital même pour des problèmes médicaux mineurs. Par conséquent, les services d’urgence sont surchargés par ces patients, ce qui bloque le flux pour les véritables urgences. Il s’agit d’un développement coûteux et médicalement inefficace. Malgré les plus de 80 milliards de francs dépensés pour le système de santé, l’accès à celui-ci semble devenir de plus en plus difficile.

Sommes-nous confrontés à une pénurie de médecins? La Fédération des médecins suisses (FMH) compte 42 002 médecins (chiffre de 2022). Avec une population en Suisse d’environ 8,5 millions d’habitants, cela équivaut à un médecin pour 250 habitants. Selon les études de l’OCDE, il faudrait en réalité un médecin pour 1500 habitants! Où se situe donc le problème?

Parmi les médecins, 60% sont des spécialistes (soit 1: 400 habitants) et 40% sont des généralistes (1: 600 habitants). Or, selon les études de l’OCDE, cette répartition devrait être exactement inverse pour un fonctionnement optimal. En effet, les médecins de premier recours effectuent une première évaluation et un triage afin de guider, si nécessaire, les patients dans le réseau médical – assurant une fonction « GPS ». Le rôle des spécialistes est de diagnostiquer et traiter les patients présentant des affections spéciales, complexes ou rares.

Des zones rurales moins attrayantes

Le manque relatif de généralistes se fait particulièrement sentir dans les zones périphériques, et de nombreux cabinets médicaux ont dû fermer faute de successeurs, ce qui oblige la plupart des médecins qui restent dans les zones rurales à fournir des services d’urgence (24/24) un ou deux jours par semaine, alors que leurs collègues des zones urbaines ne fournissent souvent qu’un à quatre services d’urgence sur toute une année. Et cela, même si les deux groupes sont rémunérés de manière égale. Il est évident que cela rend l’exercice de la médecine dans les zones rurales moins attrayant et accentue l’inégalité entre les zones urbaines et rurales.

Des accès simples avec un système de triage performant par des médecins de premier recours, des pharmaciens ou du personnel infirmier spécialisé, permettraient d’optimiser rapidement notre système, en conservant sa qualité, tout en ayant un impact sur la santé publique et sur le rapport coût/bénéfice. Pour cela, nous avons besoin d’au moins 60% de médecins généralistes collaborant avec les pharmacies et le personnel soignant qualifié.

Ainsi, la situation actuelle découle en grande partie d’un problème de distribution économique résultant d’incitatifs mal ajustés à la réalité. Contrairement à d’autres secteurs de l’économie, une augmentation de l’offre médicale génère une augmentation de la demande. De plus, le paiement à l’acte est un facteur important dans l’augmentation des coûts. Numériquement, nous avons une pléthore de médecins, mais ceux-ci ne font pas ce dont la société a besoin et ne se trouvent pas au bon endroit. Une part importante de l’augmentation des coûts est attribuable à ces problèmes de distribution induits par des incitatifs pervers. Un tarif médical adapté à ces nouvelles réalités pourrait permettre un meilleur contrôle des coûts.

Les besoins des clients, c’est-à-dire de la population, doivent être enfin pris au sérieux: l’accès aux soins doit être simple et le triage efficace. Pour cela, les activités et les responsabilités doivent être redistribuées en fonction des principes de santé publique, de la qualité des soins et d’un rapport coût/bénéfice maîtrisé. Afin de pérenniser et rendre financièrement supportable notre système, une refonte fondamentale est nécessaire: former une constituante indépendante des lobbys afin de fixer le cadre pour une loi sur la gestion de la santé.

Cet article a été publié le 21 juin 2023 sur https://www.letemps.ch/opinions/debats/biodiversite-medicale-ou-sont-passes-les-medecins-de-premier-recours

Image d’illustration: dans un cabinet médical à Oensingen, en janvier 2021. — © PETER KLAUNZER / KEYSTONE

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