Notre démocratie semble être en proie à une intoxication administrative !
Lors des élections du 22 octobre 2023, nous choisirons nos représentants au Parlement fédéral. Ces représentants discuteront des projets d’importance nationale et, le cas échéant, formuleront des lois pour les ancrer dans un texte contraignant, reflétant ainsi le consensus populaire. Ces lois sont ensuite transmises aux offices fédéraux respectifs, chargés de traduire l’esprit de la loi et la volonté du peuple dans diverses ordonnances d’application. Enfin, ces ordonnances reviennent au Conseil Fédéral pour une validation finale.
Le constat dans de nombreux domaines est que l’esprit de la loi semble s’évaporer en cours de route, les offices ne respectant pas strictement la volonté du Parlement, voire étant enclins à la procrastination. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la taille des offices augmente de manière disproportionnée par rapport à leurs réalisations. L’administration semble souffrir du syndrome du « très bonne idée, mais… » et les offices multiplient les arguments pour expliquer pourquoi l’esprit de la loi n’est pas réalisable. Cette paralysie grandissante reste opaque pour les observateurs externes ainsi que pour nous les contribuables. La question se pose : notre démocratie est-elle en train de succomber à une intoxication administrative ?
La gestion des coûts de la santé en est un exemple frappant. Au cours de la dernière décennie, l’OFSP a opté pour la « microtechnique » pour réformer le système de soins. L’échec est manifeste : les augmentations de coûts sont survenues sans transparence, le dossier électronique est au point mort, l’accès aux soins de base devient de plus en plus difficile faute de personnel de premier recours capable de trier les patients, et les problèmes liés aux centres de vaccination resurgissent avec la nouvelle vague de Covid, entre autres. Toutes ces situations relèvent des ordonnances d’application qui étaient censées résoudre ces problèmes, ou du moins ne pas les aggraver. Cependant, l’OFSP semble s’efforcer de résoudre de multiples petits problèmes sans avoir de vision globale à moyen et long terme. Il convient également de noter que les lobbys des différents prestataires de soins entravent également l’évolution du système, créant ainsi une situation de perdant-perdant.
Nos services d’urgence sont débordés depuis des années, et le projet de prestation en pharmacie pourrait être une des solutions. Cependant, la procrastination retarde tout sans raison valable, en particulier une solution évidente pour soulager le système. Le postulat de Mme Humbel date de 2012 (12.3864). La loi sur les professions médicales a été modifiée en ce sens en 2015. En 2023, la LAMal concernant ce sujet est en révision. Comment expliquer cette durée de plus de 10 ans pour transformer une loi en une réalité quotidienne, d’autant plus urgente que l’accès aux soins est un vrai défis?
L’application de la loi sur l’aménagement du territoire (LATS) est un autre exemple de complication administrative qui multiplie à l’infini les procédures, bloquant ainsi les projets de construction. Le paradoxe est complet : nous sommes confrontés à un manque de logements d’un côté, et de l’autre, à une difficulté croissante à obtenir des permis de construire. La protection du patrimoine est la deuxième barrière à la construction, atteignant des sommets de subjectivité. Aurions-nous autorisé la Pyramide du Louvre en 1988 ? Aurions-nous aujourd’hui l’autorisation de la détruire ? Cela montre que l’équilibre entre le bon sens pratique et la subjectivité des offices en charge de ces dossiers s’accroche à un dogmatisme dénué de base rationnelle, s’éloignant ainsi des aspirations citoyennes, et ne permettant pas d’accepter que le secteur de la construction évolue comme le reste de notre société : le passé est important, mais ne doit pas entraver le futur !
Les grands projets énergétiques sont cruciaux pour notre pays, notre économie et notre indépendance face à l’étranger. Cependant, la combinaison de recours à tout va avec les lenteurs administratives pour les gérer est préjudiciable dans le contexte actuel du changement climatique et de la crise énergétique. Ces recours ne nourrissent pas les réservoirs d’énergie, mais les bureaux d’avocats, qui font certes bien leur travail, mais constituent un frein majeur. De nouvelles conditions-cadres et une simplification des recours sont indispensables pour relever les défis actuels. Est-il raisonnable qu’il faille 30 ans pour construire une éolienne ?
La gestion des flux migratoires souffre également d’un manque de pragmatisme et a un coût humain élevé. Les procédures administratives doivent être accélérées et simplifiées pour parvenir à des décisions en quelques mois, au lieu de « parquer » les demandeurs dans nos campagnes, laissés à eux-mêmes et au désœuvrement. Une fois la décision prise, elle doit être appliquée rapidement. En cas d’acceptation, le demandeur d’asile doit être intégré dans un programme d’intégration intensive comprenant des cours de langue et une formation professionnelle. Le canton de Berne prépare un tel programme dans le but évident d’intégrer les réfugiés dans notre tissu économique, de les rendre indépendants, actifs et de les libérer des subventions sociales. Actuellement, nous sommes embourbés dans des processus administratifs « parfaits », mais lents, qui sont malheureusement exploités par certains demandeurs pour prolonger leur séjour, avec tous les problèmes que cela comporte, tant pour eux que pour notre pays. La démocratie est un processus subtil qui doit s’adapter de manière agile aux changements tout en respectant la volonté populaire. Le rythme doit être dicté par les défis que notre pays doit relever en temps réel, tels que le changement climatique, la mobilité, l’énergie et la migration, et non par les délais administratifs. La démocratie est trop précieuse pour être laissée uniquement entre les mains des offices respectifs. Un antidote est nécessaire en urgence : nous devons envoyer des représentants à Berne pour constituer un véritable contrepoids à l’administration. Celle-ci est certes indispensable pour résoudre efficacement les problèmes pratiques, mais doit être contrebalancer par un parlement décider à faire respecter l’esprit des lois voté par le parlement et ainsi respecter la volonté des citoyens.