Pourquoi la transition énergétique de Saint-Prex est bloquée
Un article d’opinion publié par le journal le Temps et basé sur mon expérience en tant que municipal de Saint-Prex. Les lois fédérales sur l’électricité devraient inciter les communes à développer leur énergie locale, au lieu de les bloquer.
Plus personne ne conteste qu’une transition énergétique est indispensable. Cependant, sa réalisation dans la pratique quotidienne est très compliquée. En plus du manque de main-d’œuvre, les lois fédérales sur l’électricité bloquent clairement actuellement cette transition.
Dans notre commune de Saint-Prex, nous investissons 1,1 million en 2023 dans des projets de panneaux solaires, ce qui nous permettra de passer d’une production propre de 3 à 15% pour les besoins de nos installations et bâtiments communaux. Le canton de Vaud s’est fixé un objectif de 30% de production propre d’ici à 2030, nous sommes donc sur la bonne voie, mais loin d’être arrivés. Notre production est largement utilisée sur place ou dans des installations contiguës aux lieux de production, ce qui permet de créer des réseaux de consommation propre (RCP). Quel intérêt ont ces RCP? Ils permettent de partager l’électricité produite entre des installations adjacentes, par exemple dans notre commune entre un bâtiment communal et la station de pompage, car la commune est propriétaire des terrains ainsi que des conduites reliant les différentes installations. Si plusieurs propriétaires différents ayant des installations ou bâtiments adjacents s’associaient, ceux qui seraient actuellement consommateurs sur le marché libre pourraient de plus demander de revenir aux tarifs régulés. Un atout majeur pour la communauté, quand on sait que c’est clairement un moyen de se protéger des fluctuations importantes du marché libre en cas de pénurie d’énergie.
Les discussions progressent lentement
La commune de Saint-Prex aurait encore plusieurs milliers de mètres carrés à disposition comme des toits d’entrepôts pour mettre des panneaux solaires, mais ceux-ci se trouvent en périphérie de notre territoire. Ainsi, les conditions pour un RCP ne sont pas réunies, ce qui obligerait la commune de construire des lignes électriques pour relier les sites producteurs (où la consommation propre est très faible par rapport à la production) vers les autres sites de consommation, comme la station d’épuration des eaux (STEP) et devenir elle-même gestionnaire de réseau. Tout simplement pas réaliste. Par conséquent et parce que le réseau de transport électrique est un monopole en Suisse (géré dans notre région par Romande Energie), nous n’avons qu’une seule option: injecter la production à 18 centimes dans le réseau de Romande Energie et la racheter à 36 centimes (chiffres 2023) à notre station de pompage à l’autre bout de la commune! Il n’est pas nécessaire d’être financier pour comprendre que personne n’accepte d’investir dans ces circonstances.
Le parlement débat actuellement d’une adaptation des lois et ordonnances, notamment du concept de communauté électrique locale (CEL), qui permettrait d’étendre le périmètre dans lequel une production propre pourrait être déplacée à travers le réseau existant sur un territoire déterminé. Dans notre cas, cela permettrait à la commune de transporter le courant et d’alimenter notre station de pompage et la station d’épuration. Ainsi, nous réaliserions des économies substantielles pour le budget communal et gagnerions surtout en indépendance énergétique, ce qui correspond à l’objectif déclaré des autorités fédérales. Mais les discussions parlementaires progressent très lentement, et il existe un risque que les décisions soient reportées à la prochaine législature au parlement, ce qui retarderait les prises de décision d’une année.
Il y a urgence
Il est de plus paradoxal de constater que la Confédération planifie des «usines à gaz» pour pallier le déficit prévu causé par la fermeture des centrales nucléaires et une possible pénurie en hiver 2023-2024. Une libéralisation complète ou partielle, telle que le concept de communauté électrique locale, permettrait de créer un puissant incitatif pour encourager les citoyens et les communes à installer un maximum de panneaux solaires. Ces délais sont inacceptables et contre-productifs pour nous, voire contraires à tout bon sens dans un contexte d’urgence climatique.
Etant donné que les lois sur l’électricité relèvent du niveau fédéral, la situation de Saint-Prex est similaire à celle de toutes les communes du pays. Il est donc urgent de faire progresser ces modifications législatives au parlement à Berne.